Il était une fois, dans un pays de froid et de givre, vivait une petite fille du nom d’Olga Gunnarsdottir. Olga était une enfant très malheureuse qui, chaque jour qui passait, devait subir les violences d’une maman tout aussi malheureuse qu’elle. Souvent, c’était par la méchanceté des mots de sa mère qu’Olga souffrait, mais parfois, aux heures les plus sombres de la nuit, les gifles s’abattaient et la blessait tout aussi efficacement.
Quand les larmes menaçaient de déborder de ses beaux yeux gris, Olga se rendait sur la berge du fleuve traversant la campagne derrière sa maison. Assise les genoux repliés contre son buste, elle racontait tous ses malheurs aux cygnes et aux canards qui glissaient paisiblement sur l’eau devant elle. « Maman dit que c’est de ma faute si mon papa est parti » expliquait-elle « que si je n’étais pas née, il serait toujours là avec elle, et qu’elle aurait beaucoup moins d’ennuis. »
Les larmes roulant sur les joues rondes de la petite fille se perdaient dans le fleuve, formant de petites ondes à la surface de l’eau puis disparaissant, comme si son chagrin était englouti par les flots. Malgré tout, c’était toujours le cœur lourd qu’Olga se relevait et retournait dans sa maison.
Un jour cependant, alors qu’elle se confiait de nouveau à ses amis à plumes, elle entendit le pas lourd de sa mère dans son dos. D’un bond, Olga se retourna et vit sa maman armée d’un fusil, les cheveux en bataille et les yeux fous. « Alors c’est ici que tu traînes tes guenilles ? » s’écria t-elle. « Tu vas voir ce que je vais en faire de tes canards ! On va remplumer les oreillers avec tout ça. » « Non ! » hurla Olga. Courageusement, la petite fille attrapa le canon du fusil pour le détourner des oiseaux et le coup partit dans les airs. « Tu vas me le payer, petite garce ! »
Mais avant que sa mère ne puisse lever la main sur elle, Olga se sentit subitement rapetisser jusqu’à devenir aussi grande qu’un mulot. Les yeux écarquillés de terreur, elle observa les brins d’herbe qui la cernaient de toute part et ressentit les vibrations du sol causées par l’agitation de sa mère jusqu’aux tréfonds de son être. Elle se préparait déjà à finir écrasée sous les bottes de la femme en furie quand une voix l’appela « Olga, monte sur mon dos, vite ! »
C’était l’un des canards qui, sortit du fleuve, s’était approché d’elle et remuait sa queue en signe d’impatience. Olga ne le fit pas attendre longtemps : d’un bond, elle sauta sur le dos du volatile qui prit son envol et l’entraîna avec lui dans les cieux.
La petite fille, d’abord terrorisée, réalisa alors la beauté du paysage qui se révélait sous les ailes du canard. Les plaines enneigées, les forêts aux immenses pins habillés de blanc, les rivières sillonnant les terres comme des veines bleues. Le canard lui raconta l’histoire de ces lieux qu’ils survolaient, la légende de ce château qui semblait percer la cime des cieux, le folklore de ce petit village aux toits étranges. Olga l’écoutait, observait, rêvait. Le vent ne lui semblait pas si frais à l’abri des plumes de son ami.
Après quelques heures de vol, il la ramena au bord du fleuve. La mère d’Olga n’était plus là, mais son fusil était posé contre le tronc d’un arbre, comme un avertissement. Olga ne put se résoudre tout de suite à quitter le dos chaud et rassurant du canard. Quand elle mit le pied à terre, ses yeux humides croisèrent ceux plein de douceur de l’oiseau. « Tu as raison Olga » finit-il par reconnaître. « Cet endroit n’est pas la place pour une petite fille. Prends une de mes plumes et pique toi le doigt avec » Intriguée, Olga obéit. Et soudain, elle se sentit changer pour se transformer en un magnifique cygne d’un blanc plus pur que la neige. D’un battement d’ailes, Olga rejoignit le ciel en riant de bonheur, suivie par le canard. Libre comme l’air, la petite fille devenue cygne n’eut plus jamais peur.